Catéchèses

Le premier dimanche après Pentecôte

La fête de tous les saints

La fête de tous les saints est très ancienne. Au 4ème siècle une fête des martyrs est mentionnée en Orient, le premier dimanche après Pentecôte, c’est-à-dire à la même date qu’aujourd’hui. A Rome aussi, au 5ème siècle, on célébrait une fête des saints et des martyrs, toujours le premier dimanche après la Pentecôte. Au fil du temps, la fête dédiée uniquement aux martyrs a été élargie à tous les saints, connus ou inconnus.

Un changement important est intervenu en Occident au 8ème siècle, quand la fête de tous les saints a été déplacée au 1er novembre. Cette nouvelle date a été retenue par l’Eglise Catholique Romaine comme date de la Toussaint. Fait très intéressant, certaines églises protestantes, qui ne vénèrent pas les saints, ont conservé une fête au 1er novembre. Des pratiques nouvelles se sont développées en Occident en marge de la fête chrétienne de la Toussaint et ont constitué ce qu’on appelle aujourd’hui Halloween.

L’Eglise Orthodoxe a gardé l’ancienne tradition, de célébrer tous les saints le premier dimanche après la Pentecôte. Ce respect de la chronologique est très important, car il révèle une certaine signification spirituelle de la fête. Le dimanche de tous les saints succédant à la Pentecôte, fête de la descente de l’Esprit Saint avec puissance sur les disciples du Seigneur, révèle que la sainteté est le fruit de l’œuvre de l’Esprit Saint. La sainteté n’est pas le résultat d’une performance individuelle des saints, mais l’œuvre commune de l’homme et du Saint Esprit. Célébrer la fête de tous les saints le dimanche d’après la descente du Saint Esprit témoigne des effets que l’Esprit Saint suscite dans les personnes qu’il habite et qui lui obéissent dans l’amour.

Par ailleurs, nous entendons que les premiers chrétiens étaient nommés saints, comme le fait Saint Paul dans ses épitres. Ainsi les romaines sont « saints en vertu de leur appel », les Corinthiens sont appelés saints car « sanctifiés en Jésus-Christ ». D’autres lettres sont adressées à « tous les saints qui sont dans toute l’Achaïe », « aux saints et fidèles en Jésus-Christ, qui sont à Ephèse », « à tous les saints en Jésus-Christ, qui sont à Philippes », « aux saints et fidèles frères en Christ, qui sont à Colosses ». Il ne s’agit ni de flatteries injustifiées, ni des chrétiens en possession d’une sainteté définitive et irrévocable. Il s’agit des personnes en train de sanctifier leur vie par la communion avec Dieu.

Que les chrétiens soient nommés « saints » n’est pas seulement une coutume des temps apostoliques. Les chrétiens orthodoxes de nos jours sont toujours appelés « saints » par le prêtre célébrant la Divine Liturgie et qui, en élevant le Corps du Christ vers le ciel, dit à haute voix « Les Saints Dons aux saints ! » A cela les fidèles répondent, comme dans une humble protestation : « Un seul Saint un seul Seigneur Jésus Christ dans la gloire du Dieu, amen ! »

L’évangile selon Saint Mathieu

En ce temps-là, le Seigneur dit : « Qui me confessera devant les gens, Je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux. Qui me reniera devant les gens, Je le renierai, moi aussi, devant mon Père qui est dans les cieux. Qui aime son père ou sa mère plus qu’il ne m’aime n’est pas digne de moi ; qui aime son fils ou sa fille plus qu’il ne m’aime n’est pas digne de moi. Qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. » Pierre répondit alors et dit au Seigneur : « Voici que nous avons tout laissé et que nous t’avons suivi ; qu’en sera-t-il pour nous ? » Jésus lui répondit : « En vérité, Je vous le dis, vous qui m’avez suivi, lors de la régénération de tout, lorsque le Fils de l’Homme trônera dans sa gloire, vous siégerez également sur douze trônes et jugerez les douze tribus d’Israël, et toute personne qui aura quitté maisons, frères ou sœurs, père ou mère, enfants ou champs à cause de mon Nom, recevra le centuple et héritera la vie éternelle. Beaucoup de premiers seront derniers et de derniers premiers. » (Matthieu 10, 32-33, 37-38 ; 19, 27-30.)

La lecture de l’évangile selon Saint Jean se termine le jour de la Pentecôte et à partir du lundi du Saint Esprit jusqu’à la 11ème semaine après Pentecôte on lit tous les jours, à l’exception des fêtes particulières, l’évangile de Saint Mathieu. Pareillement, on lit de l’évangile de Saint Mathieu tous les samedis et les dimanches à partir du 1er samedi après Pentecôte jusqu’au 17ème dimanche après Pentecôte.

Compte-tenu du fait que le dimanche de Tous Saints l’Eglise vient à peine de commencer la lecture de l’Evangile selon Saint Mathieu, on s’attendrait qu’un passage du début de l’évangile soit lu et non des versets du 10ème chapitre complétés d’un passage du 19ème chapitre. L’assemblage de ce texte suggère qu’il s’agit d’une lecture dédiée à ce dimanche et devrait être comprise dans l’esprit de la fête de tous les saints. Or puisque nous considérons cette fête comme suite logique de la fête de la Pentecôte, nous comprenons que l’appel du Seigneur ne s’adresse pas à des personnes isolées, mais à des personnes remplis du Saint Esprit, qui leur a été donné avec puissance. Ce n’est donc pas à nous seuls que le Seigneur dit « qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi », mais à nous en tant que porteurs d’Esprit Saint, ou pneumatophores. Aller à la suite du Seigneur ne tient donc pas d’un quelque héroïsme personnel, mais de notre humble coopération avec l’Esprit Saint.

L’analyse du texte grec de l’évangile apporte des arguments complémentaires très intéressants. Ainsi d’après le texte grec original, le Seigneur ne dit pas tout-à-fait « Qui me confessera devant les gens, Je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux », mais « Qui confessera en moi (εν εμοί[1]) devant les gens, Je confesserai aussi en lui (ἐν αὐτῷ) devant mon Père qui est dans les cieux ». En remarquant ce détail littéraire, Saint Jean Chrysostome souligne qu’il n’est pas possible de confesser le Christ sans être en communion avec lui. En revanche lorsqu’il s’agit du reniement, cela ne se fait pas comme la confession, « en Christ », car celui qui le renie n’est plus uni à lui mais il lui est extérieur[2].

Le texte « Qui aime son père ou sa mère plus qu’il ne m’aime n’est pas digne de moi ; qui aime son fils ou sa fille plus qu’il ne m’aime n’est pas digne de moi » montre que l’amour de Dieu doit dépasser l’affection naturelle. Davantage, « Qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi » indique que nous devons être prêts d’être mis en croix, c’est-à-dire livrés à la mort pour le Christ. Il ne s’agit pas d’une simple mort, mais d’une mort honteuse, accompagnée de toute sorte de tortures et moqueries.


[1] Comme en Εν ειρήνη του Κυρίου δεηθώμεν, « En paix prions le Seigneur ! »

[2] Saint Mathieu écrit ἀρνήσηταί με et ἀρνήσομαι αὐτὸν

Laisser un commentaire