Les Catavasies de Noël
Les catavasies sont les strophes chantées à la fin de chaque ode du canon des Matines. Les catavasies de la fête de la Nativité du Christ sont en nombre de deux pour chaque ode du canon. De 21 novembre à 24 décembre on chante la première des catavasies de chaque ode, pour le jour de la Nativité on chante les deux et entre 26 et le 30 décembre on ne chante que la deuxième catavasie de chaque ode. Ci-après se trouve le texte des catavasies, avec quelques réflexions sur les premières de chaque ode.
Ode 1
Le Christ vient au monde, glorifiez-le, * le Christ descend des cieux, allez à sa rencontre; * sur terre voici le Christ, exaltez-le, * terre entière, chante pour le Seigneur, * peuples, louez-le dans l’allégresse, * car il s’est couvert de gloire.
Celui qui fait merveilles, le Seigneur, * sauva son peuple en asséchant * le flot humide de la mer; * né de la Vierge de plein gré, * il aplanit pour nous * le chemin du ciel; * en ses natures égal au Père et aux mortels, * nous le glorifions.
Le texte de la première catavasie, « Le Christ vient au monde, glorifiez-le… », est inspiré d’une homélie de Noël de Saint Grégoire le Théologien (4ème siècle). On n’en parle pas de la venue du Christ comme d’un fait historique mais plutôt comme d’une réalité contemporaine, propre au chrétien en lien avec Dieu. En effet, être en communion avec Dieu, dont l’existence n’est pas soumise au temps, nous introduit dans une réalité qui dépasse ce monde sous tous les aspects, y compris l’aspect temporel. L’union avec Dieu par la prière permet une participation mystique aux évènements passés, comme par exemple à l’Epiphanie quand nous fêtons le baptême du Seigneur arrivé « en ce jour ».
Ode 3
Avant les siècles, * le Fils est engendré * par le Père ineffablement; * et dans ces derniers temps * sans semence, d’une Vierge il a pris chair; * chantons au Seigneur: * Toi qui relèves notre front, * tu es saint, ô Christ notre Dieu.
Agrée les hymnes de tes serviteurs, * Bienfaiteur, en humiliant * le regard hautain de l’Ennemi: * toi qui vois le monde entier, * porte loin de tout péché * et sûrement affermis * sur la base de la foi * ceux qui te chantent, Seigneur.
Comme d’habitude dans les canons orthodoxes, il n’y a pas de deuxième ode donc ni de deuxième catavasie. Cette omission rappelle la chute de l’ordre des anges déchus qui est absent au service de Dieu. La troisième catavasie, suivant donc la première, témoigne que le Fils, né avant les siècles – c’est-à-dire avant le temps même, du Père sans mère –, a pris chair – dans le temps –, d’une mère sans père.
Ode 4
Comme le rameau fleuri de la racine de Jessé, * de la Vierge, Seigneur, * tu es issu tel une fleur; * de la montagne ombragée, * ô Christ, objet de nos chants, * tu es venu en t’incarnant * de la Vierge inépousée, * toi le Dieu immatériel. * Gloire à ta puissance, Seigneur.
Le genre humain refaçonné * fut chanté d’avance * jadis par le prophète Habacuc ineffablement admis * à voir sa préfiguration; * de la montagne virginale en effet * sortit le Verbe nouveau-né, * pour que les peuples en lui soient restaurés.
La première partie de la première catavasie de la quatrième ode rappelle la prophétie de Isaïe : « Un rameau sortira du tronc de Jessé, et de ses racines croîtra un rejeton » (11, 1). Cette prophétie est accomplie dans la personne du Seigneur Jésus. La fondation de l’église du Christ est également mentionnée par Isaïe : « la racine de Jessé, élevée comme un étendard pour les peuples, sera recherchée par les nations, et son séjour sera glorieux » (11, 10).
La deuxième partie du texte mentionne la prophétie de Habacuc (3, 3) à qui fait référence, en général, la catavasie de la quatrième ode des canons liturgiques orthodoxes : « Dieu vient de Théman, et le Saint de la montagne ombragé. Sa majesté a couvert les cieux, et la terre a été remplie de sa gloire » (Habacuc 3, 3 selon la version grecque de la Septante).
Au 9ème siècle avant Jésus Christ, Théman était une région du royaume d’Edom, au sud du royaume de d’Israël. Puisqu’il se trouve au sud par rapport à Jérusalem, le nom de Théman a désigné, avec le temps, la direction sud tout simplement. Au 6ème siècle quand Habacuc avait vécu, dire que Dieu vient de Théman revenait à dire que Dieu vient du sud, prophétie qui est accompli par la naissance de Jésus à Bethléem, qui se trouve au sud de Jérusalem. Or si la venue de Dieu dont parle Habacuc est, selon l’interprétation chrétienne, la naissance à Bethléem du Fils de Dieu fait homme, alors la montagne dont parle Habacuc est sans doute sa Mère, la Vierge Marie. L’ombre dont parle Habacuc est alors l’ombre de la puissance du Très-Haut dont parle l’ange Gabriel à Marie lors de l’Annonciation : « L’Esprit-Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi aussi le saint qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu » (Luc 1, 35).
Ode 5
Dieu de paix et Père de tendresse, * tu nous envoyas * l’Ange de ton Grand Conseil pour nous donner la paix: * guidés vers la lumière du divin savoir * et la nuit veillant devant toi, * Ami des hommes, nous te glorifions.
A ceux qui, réveillés des œuvres de la nuit, * ô Christ, et de leur sombre égarement, * t’adressent maintenant * une hymne comme au Bienfaiteur, * viens accorder la rédemption * et le chemin facile à parcourir * sur lequel nous monterons * jusqu’à la gloire que nous espérons.
La cinquième catavasie évoque la prophétie d’Isaïe : « Car un petit enfant nous est né, et un fils nous a été donné ; la principauté repose sur son épaule, et il est appelé de ce nom, l’Ange du grand conseil. Par lui j’amènerai la paix sur les princes, par lui la santé et la paix. Sa principauté est grande, et à la paix qu’il donne il n’est point de limites ; il s’assoira sur le trône de David, et il possédera son royaume, pour le conduire, et l’affermir dans l’équité et la justice, maintenant et dans tous les siècles ; l’amour du Seigneur Sabaoth fera ce prodige » (Isaïe 9, 5-6). Isaïe identifie le fils qui nous ait donné avec l’Ange du grand conseil et il éclaire ainsi certaines manifestations angéliques de l’Ancien Testament. L’Eglise reconnait que l’un des anges qu’Abraham avait accueilli aux chênes de Mambré était bien cet Ange de grand conseil dont parle Isaïe.
Une autre manifestation du Fils de Dieu en tant qu’envoyé du Père dans l’Ancien Testament est celle du buisson ardent : « Moïse, cependant, paissait les brebis de Jéthro, son beau-père, prêtre de Madian ; il conduisit les brebis au-dessous du désert, et il arriva en la montagne d’Horeb. Là, l’ange du Seigneur lui apparut dans un feu flamboyant qui sortait d’un buisson ; Moïse voit que le buisson est enflammé et qu’il ne brûle point. Et Moïse se dit : Approchons, voyons cette grande vision, ce buisson qui ne brûle pas. Dès que le Seigneur vit qu’il approchait pour voir, il l’appela du buisson, disant : Moïse, Moïse ; il répondit : Qu’y a-t-il ? » (Exode 3, 1-4). L’ange du Seigneur du feu flamboyant est le messager du Seigneur, c’est-à-dire le Fils de Dieu, qui est aussi Seigneur parce qu’il est de la même nature que le Père. Au verset 4, il est à juste titre appelé Seigneur et Moïse l’adore comme Dieu. Il est clair que l’ange du Seigneur dans le feu et le Seigneur du buisson sont une seule et même personne, le Fils de Dieu vivant.
Ode 6
De ses entrailles, comme il l’avait reçu, * le monstre a rejeté Jonas * comme du sein le nouveau-né; * et le Verbe pareillement, * est demeuré dans le sein de la Vierge, * il prit chair et en sortit, * lui conservant son intégrité, * car il a préservé en celle qui l’enfanta * sa virginité.
Logeant au sein des flots, * Jonas te priait de venir * et d’en calmer l’agitation; * et moi, percé de coups par le tyran, * je m’adresse à toi, ô Christ, * toi qui délivres du mal, * pour que ma lâcheté soit prévenue * par ta prompte venue.
Les Evangélistes Mathieu et Luc ont noté que le Seigneur parle du signe de Iona : « Une génération méchante et adultère recherche un signe ; mais il ne lui sera point donné de signe, si ce n’est le signe de Jonas le prophète. Car, comme Jonas fut dans le ventre du grand poisson trois jours et trois nuits, ainsi le fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits » (Mathieu 12, 39-40). Les évènements miraculeux de la vie du prophète Jonas sont utilisés ici pour réaliser une comparaison inversée : le monstre marin porte Jonas le préservant comme il l’avais reçu, alors que le Fils de Dieu a préservé la virginité de celle qui l’a porté.
Ode 7
Les Jeunes Gens élevés dans la piété, * méprisant l’ordre impie du tyran, * furent sans crainte devant le feu, * mais au milieu des flammes ils chantaient: * Dieu de nos Pères, Seigneur, tu es béni.
Epris d’amour divin * pour le Roi de l’univers, * les Jeunes Gens ont méprisé * le bavardage impie d’un tyran * à l’insatiable orgueil, * et l’immense flamme recula, * préservant ceux qui chantaient au Seigneur: * Pour les siècles tu es béni.
La catavasie de la 7ème ode fait référence au courage des jeunes gens qui ont refusé d’adorer un dieu étranger lors de la captivité babylonienne. Jeté dans la fournaise ardente, ils ont été préservés miraculeusement par Dieu à qui ils ont chanté : « Béni sois-tu, Seigneur Dieu de nos pères ! » Parfois l’ordre de ce monde entre en contradiction avec les commandements de Dieu et en ce cas les trois jeunes gens représentent des modèles à suivre.
Ode 8
La fournaise qui distille la rosée * préfigure la merveille où la nature est dépassée; * car les Jeunes Gens qu’elle a reçus, * elle se garda de les brûler, * comme le feu de la divinité * habita le sein de la Vierge sans le consumer. * Aussi chantons joyeusement: * L’entière création bénisse le Seigneur * et l’exalte dans tous les siècles!
Les Jeunes Gens qui dans l’antique Testament * furent dans le feu sans être consumés * sont l’image du sein virginal * enfantant de merveilleuse façon * tout en restant scellé; * la même grâce qui agit dans les deux cas * par un miracle étonnant * invite les peuples à chanter.
Le miracle des jeunes hébreux préservés dans fournaise ardente n’est pas seulement un exemple des fruits apportés par la piété. Il préfigure également l’incarnation du Fils de Dieu qui « habita le sein de la Vierge sans le consumer ». Ce rapprochement est suggéré par le récit du prophète Daniel, qui raconte Nabuchodonosor avait vu dans la fournaise ardente, avec les trois jeunes gens, une quatrième personne ressemblant à un fils de Dieu : « Nabuchodonosor les entendit chanter des hymnes, et il fut frappé d’étonnement, et il se leva précipitamment, et il dit aux grands qui l’entouraient : N’avons-nous pas jeté au milieu du feu trois hommes enchaînés ? et ils dirent au roi : Oui, seigneur. Et le roi dit : Et moi, je vois quatre hommes sans liens, se promenant au milieu des flammes, et la destruction n’est pas avec eux, et l’aspect du quatrième ressemble à un fils de Dieu » (Daniel 3, 92 dans la Septante). Si nous reconnaissons la quatrième personne de la fournaise comme une manifestation du Fils de Dieu avant son incarnation, après celle-ci nous le confessons pleinement Dieu et pleinement homme.
Ode 9
Magnifie, Ô mon âme, * la Toute-sainte et immaculée, * plus vénérable et plus glorieuse * que toutes les Puissances des cieux, * la Mère de Dieu. Je vois un mystère étonnant * qui dépasse l’entendement: * une grotte est devenue le Ciel * et la Vierge remplace le trône des Chérubins; * le crèche est la demeure où repose * le Christ notre Dieu infini * que nous chantons et magnifions.
Plus facile serait pour nous et peut-être sans danger * de garder un silence respectueux; * mais, ô Vierge, mettre par amour * sur le métier des hymnes harmonieuses et recherchées * est une œuvre malaisée; * toi donc, ô Mère, accorde-nous * une force égale à notre bonne intention.
Le langage de l’ode 9 pourrait paraitre poétique et chargé de métaphores, peut-être davantage que les autres odes. Cependant il est en même temps d’une très grande précision théologique. Le mystère est, en effet, étonnant et dépasse l’entendement : si l’endroit où Dieu habite avec prédilection on l’appellerait Ciel alors la grotte doit être également appelée Ciel car c’est l’endroit où le Fils de Dieu est né en tant qu’Homme. Pareillement, nous savons de l’Ancien Testament que Dieu se porte sur un trône de chérubins, par conséquence la Vierge remplace les chérubins, à juste titre, care elle tient dans ses bras le Dieu fait Homme.