Catéchèses

« Seigneur, que je Te voie ! »

En ce temps-là, comme Jésus approchait de Jéricho, un aveugle était assis au bord du chemin et mendiait. Il entendit marcher la foule, et demanda ce que cela signifiait. On lui annonça que Jésus de Nazareth passait par là. Alors il poussa des cris et dit : « Jésus, Fils de David, fais-moi miséricorde ! » Ceux qui marchaient en tête le menaçaient pour le faire taire ; mais lui criait de plus belle : « Fils de David, fais-moi miséricorde ! » Jésus s’arrêta donc et ordonna qu’on le lui conduisît. Quand l’aveugle fut près de lui, Jésus lui demanda : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Il répondit : « Seigneur, que je recouvre la vue ! » Jésus lui dit : « Recouvre la vue ! Ta foi t’a sauvé ! » À l’instant même l’aveugle recouvra la vue, et il suivait Jésus en glorifiant Dieu ; et tout le peuple, vit cela, et célébra les louanges de Dieu. (Luc 18, 35-43)

La demande de l’aveugle, « Κύριε, ἵνα ἀναβλέψω » utilise le verbe ἀναβλέπω, composé de deux mots, la préposition ἀνά, « en haut, vers le haut » et le verbe βλέπω, « regarder, voir ». Le temps du verbe est l’aoriste, qui désigne une action indéterminée. Il est possible de conclure deux choses : premièrement que l’aveugle demande de regarder « continuellement », opposé à « occasionnellement », et deuxièmement il ne veut pas regarder dans n’importe quelle direction, mais vers le haut. Dans une version syrienne de l’Évangile selon Saint Marc, l’aveugle n’aurait pas demandé « Seigneur, que je voie ! » mais plutôt « Seigneur, que je Te voie ! » ce que semble en harmonie avec l’analyse littéraire. Après avoir recouvert la vue, l’ancien aveugle « suivait Jésus en glorifiant Dieu » ce qui témoigne de ce que sa vue spirituelle était orientée vers le Fils de Dieu fait homme.

Comment ce miracle nous concerne et de quelle manière nous pouvons en profiter spirituellement à notre tour ? C’est sans doute en nous mettant à la place d’aveugle Bartimée (Marc 10, 46), car ce n’est pas seulement la cécité physique que le Seigneur peut et veut guérir. Nous sommes, à bien d’égards semblables à l’aveugle car nous avons perdu et reperdu des choses précieuses : la vertu de l’âme, la pureté du cœur, la paix de l’esprit, la patience ou l’amour. Ces pertes sont, dans la plupart des cas, irréversibles, comme était la cécité de Bartimée. Nous sommes aussi impuissants à retrouver la pureté du cœur que l’aveugle Bartimée à retrouver la vue. C’est pour cela que la prière de Bartimée est un exemple : nous devons ignorer toute voix, toute personne, qui s’interposerait entre nous et le Seigneur et crier de plus belle « Seigneur, fais-moi miséricorde ! ». Cette attitude ne devrait pas être vécu comme un envenimement isolé, mais comme un engagement de toute la vie.

Certains Pères ont vu dans la personne de Bartimée un symbole de l’Église d’après la période apostolique. En effet, si les apôtres ont été des témoignes oculaires de l’œuvre du Seigneur pour notre salut, ceux qui ont cru par la suite ont cru sans avoir vu de leurs propres yeux les miracles du Christ. Pour cette raison ils peuvent se comparer à l’aveugle Bartimée qui a cru en Jésus avant qu’il ne puisse encore le regarder.

De la même manière, ceux qui essayent de faire taire Bartimée peuvent être identifiés symboliquement avec les tyrans ayant persécuté l’Église au cours des siècles. Cependant, spirituellement ce ne sont pas toujours des personnes historiques qui nous empêchent de déposer notre prière devant le Seigneur. Trop souvent ce sont nos propres passions mauvaises, nos propres pensées personnifiées, notre « cinéma » intérieur avec tous ses personnages et ses décors qui nous empêchent de prier.

Il est intéressant d’observer que le Seigneur Jésus accorde à Bartimée le mérite de sa guérison en lui disant : « Ta foi t’a sauvé ! » Le Seigneur dévoile Son unique humilité, en mettant en valeur l’homme se repentant, comme si ce n’était pas le Seigneur qui avait rendu la vue à Bartimée, mais Bartimée lui-même. Saint Luc mentionne dans son évangile que le Seigneur avait dit quatre fois envers quatre personnes différentes « Ta foi t’a sauvé ! ». Premièrement, Jésus dit cette parole à la femme pécheresse dans la maison de Simon le pharisien (Luc 7), après lui avoir pardonné les péchés et sans aucune guérison de maladie physique. Deuxièmement à la femme hémorroïde (Luc 8), après l’avoir guérie. Troisièmement au lépreux samaritain reconnaissant (Luc 17), après l’avoir purifié de sa maladie. Et enfin, quatrièmement, à Bartimée (Luc 18) après lui avoir rendu la vue. Nous pouvons déduire que la foi que le Seigneur loue est la foi qui conduit au pardon des péchés, à la purification et à la contemplation de Dieu loué en trois Personnes : Père, Fils et Saint-Esprit.

Laisser un commentaire